Si quand il est question de Big Data et de Data Analytics les regards se tournent souvent vers les grandes entreprises, l’explosion des données concerne tout autant les organismes publics.
La massification des données détenues par les institutions publiques
La transformation numérique amène à des perspectives immenses en matière de gouvernance publique du fait de la démultiplication des données concernant le territoire, les citoyens, les usagers et les entreprises. Ces données sont recueillies grâce à des sources publiques et privées en plus des données générées à travers les parcours numériques des usagers eux-mêmes.
La donnée devient dès lors un élément de valeur ajoutée et de richesse pour les institutions publiques, autant par les volumes traités que par la diversité des données accessibles.
Le Data management au service de la performance des institutions publiques
La valorisation de ces données au service de la transformation de l’action publique constitue une opportunité considérable sur plusieurs volets :
- L’appui à la prise de décision : L’intégration des données améliore (i) la qualité des décisions prises à travers un ciblage plus fin, des prévisions plus précises et des approches plus scientifiques, ainsi que (ii) la rapidité de la prise de décision à travers une digestion rapide des nouvelles données. Ainsi, les programmes publics peuvent être mieux ciblés et plus impactants.
- La simplification des démarches : L’accessibilité et le partage des données de manière sécurisée et contrôlée permet de faciliter considérablement les procédures administratives (Ex. éviter les opérations de production et de soumission de documents administratifs).
- L’amélioration de la qualité des services rendus : Les services rendus par les institutions publiques sont nombreux, variés et couvrent tout le territoire du pays, rendant la maîtrise et l’optimisation de la qualité très complexe. Le Big Data et l’Advanced Analytics constituent des leviers puissants pour surmonter cette difficulté en identifiant les anomalies (fraudes, corruption, baisse de productivité…) et les pistes d’amélioration (optimisation des ressources, traitement des pain-points…).
- Le renforcement de la transparence des actions publiques : Une gestion optimisée des données publiques implique l’adoption de nouvelles pratiques et technologies (Open-data, blockchain, décloisonnement de la data…) et améliore, par conséquent, l’accessibilité et la crédibilité des données détenues par les organismes publics. Ce changement a un impact direct sur l’acceptation des politiques publiques par les citoyens.
Une utilisation élargie et réfléchie des données aura des impacts certains sur la performance de l’action publique notamment dans des domaines tels l’éducation, la santé, l’énergie, le transport ou encore l’urbanisme.
Quelques exemples pratiques
Plusieurs applications concrètes du traitement des données sont envisageables. A titre d’exemple, l’utilisation de méthodes d’analyse prédictive pour anticiper les probabilités d’embauche par secteur; l’identification des populations les plus vulnérables pour orienter les programmes sociaux ou encore l’adaptation des infrastructures de transports à travers la modélisation des comportements de mobilité des citoyens.
Plusieurs pays dans le monde ont adopté l’Advanced Analytics et le big data pour améliorer l’action publique :
- A Rome, le projet ”SENSEable City Lab” vise à optimiser les réseaux de bus et à proposer des trajets alternatifs en cas de pic en croisant et analysant les données de trafic et de déplacement recueillies par la géolocalisation des usagers issues de leur téléphone mobile avec les informations GPS générées par le réseau de bus.
- A Queensland, les hôpitaux publics utilisent un outil algorithmique permettant de relever les tendances des données historiques des patients permettant ainsi de prévoir le nombre de patients pris en charge aux urgences.
- En Caroline du Nord, les écoles utilisent un système de « Report Cards » consolidant toutes les informations liées à l’éducation, notamment les caractéristiques et la performance des écoles, des professeurs et des étudiants. Ce système permet de renforcer (i) la transparence du système éducatif, (ii) l’implication des parties prenantes (parents, élus locaux…) et (iii) la réactivité et pertinence du dispositif à travers la détection et le ciblage des difficultés scolaires de manière personnalisée.
Gouvernance des données : Première brique à poser
La valorisation des données à des fins de transformation de l’action publique suppose l’instauration d’une véritable gouvernance de la donnée publique, c’est-à-dire une organisation globale des données produites ou détenues par l’État.
Aujourd’hui les données publiques proviennent de sources différentes, sont de plusieurs natures et sont utilisées pour un grand nombre de finalités. Cette variété de nature et d’usage explique en partie la complexité de la gestion et de l’utilisation de ces données et la difficulté de définir une gouvernance simple s’appliquant à ces données.
Au Maroc, l’Etat a d’ores et déjà amorcé une réflexion visant à définir une stratégie unifiée de gouvernance des données publiques. Ainsi deux registres publics verront le jour lors des prochains mois, le Registre National de la Population (RNP) et le Registre Social Unique (RSU). Le RNP assurera au profit du RSU la fiabilité des données d’identification et les services d’authentification des bénéficiaires des programmes sociaux alors que le RSU enregistrera les demandeurs aux différents programmes sociaux.
Cette réflexion stratégique doit couvrir l’ensemble des institutions publiques (départements ministériels, entreprises et établissements publics, collectivités locales…) pour permettre le partage des données comme étant un bien commun (tout en assurant la sécurité, l’intégrité et la confidentialité des données personnelles) et pour favoriser la création d’écosystèmes administratifs et entrepreneuriaux capables d’exploiter la valeur ajoutée des données mises à leur disposition.
Auteur :
Khalid Iben Yaich
Senior Manager chez Valyans